Si le succès qu’a connu Amélie Nothomb avec Stupeur et tremblements tient à quelques facteurs précis dont l’anecdote n’est pas le moindre - rappelons que la narratrice, initialement stagiaire au service comptable, se montrera tellement incapable d’accomplir sa tâche qu’elle finira son stage comme dame pipi - d’autres facteurs aussi attractifs que cette anecdote piquante relèvent de l’exposition des traits culturels japonais qui interpellent directement le lecteur.
Amélie Nothomb met en effet en scène une longue suite d’us et coutumes nippons dont la relation flatte le goût pour l’exotisme et provoque le rire du public occidental. Dans la mesure où ce roman se présente comme une autobiographie écrite par une personne native du pays et qui en plus y a été en partie élevée, il revêt une valeur documentaire, renforçant du même coup le contrat de lecture du sceau de l’authenticité. Mais le contrat de lecture n’est pas univoque tant le statut générique de cette oeuvre est problématique. Selon que Stupeur et tremblements est considéré comme un roman ou une autobiographie, voire une autofiction, la portée de cette oeuvre se modifie. Ce que l’on peut dire est que le flou et la faiblesse du pacte autobiographique porte à croire que la sincérité du rendu référentiel n’est pas si importante. Il semble que le lecteur, le lecteur occidental du moins, soit capable d’appréhender l’oeuvre à la fois comme un témoignage personnel véridique et une fable. L’expérience qu’elle relate, qui met en exergue les relations de pouvoir au sein d’une grande entreprise, s’appliquerait tout autant à une entreprise occidentale.
La suite des idées reçues sur le Japon fait rire le lecteur occidental et froisse l’orgueil du lecteur japonais, mais elle permet de mieux critiquer le monde du travail. Il faut voir dans cette oeuvre plus une leçon morale à portée universelle qu’un manuel sur les différences culturelles.