Il n’est pas très difficile de constater que les œuvres pré-romantiques sont empreintes de culpabilité. A commencer par Rousseau dans ses Confessions, sans oublier Constant dans Adolphe, mais encore les romans de Madame de Staël, le sentiment de la faute, le regret, le remords jouent un rôle important, voire central. Certes, ces thèmes reliés à la mauvaise conscience étaient présents depuis longtemps dans la littérature, mais le traitement qui en est fait à partir de la fin du XVIIIe siècle semble différer considérablement dans la mesure où non seulement la mauvaise conscience semble polariser beaucoup l’attention, mais qu’elle est liée à d’autres éléments moraux tels la douleur et la dissimulation.
Cette hypothèse doit être étayée par l’étude comparée d’œuvres produites aux alentours de la Révolution française avec celles ayant le même thème produites à l’âge classique. Une telle comparaison s’impose dans la mesure où l’influence des œuvres du Grand Siècle a été si importante sur le Siècle des Lumières que les auteurs de ce dernier les ont très souvent reprises, pour les copier comme pour les dépasser. Un exemple particulièrement pertinent est constitué par Le Séducteur (1783) du Marquis de Bièvre qui reprend exactement le même thème que celui du Tartuffe (1664). L’un des buts de cette communication sera de montrer dans quelle mesure le traitement du sentiment de la faute, de la culpabilisation et du remords chez Bièvre les fait évoluer vers une plus grande moralisation.
Les résultats de ces études comparatives devront être rapprochés de ceux obtenus dans notre thèse qui portait sur l’expression de la mauvaise conscience dans l’œuvre de Benjamin Constant. Nous espérons ainsi poser les bases d’une étude plus approfondie d’une rhétorique de la mauvaise conscience en littérature qui est restée jusqu’ici sous-estimée.