Dans cette étude, nous nous proposons d’aborder le roman de Cláudia de Campos, intitulé Elle (1898), traduction de lui/il en français, et dans lequel paradoxalement l’auteure semble plutôt s’intéresser aux multiples visages et destinées « d’elles au pluriel » qu’aux personnages masculins annoncés par le titre.
De manière remarquable, la romancière parachève ici une illustration des différentes possibilités d’existence offertes aux femmes au XIXème siècle. Ainsi, son roman pourrait servir d’illustration aux différents « états de femmes[1] » structurant l’identité féminine dans les romans de la culture occidentale comme l’a démontré Natalie Heinich. À travers différents personnages féminins, parfois antagoniques, tels que son personnage principal, Cléo, a Viscondessa de Mello, et les filles de la famille Guedes, entre autres, l’auteure révèle comment s’articulent les configurations féminines et comment se structurent les passages d’une position/état à l’autre dans la société. En définitive, elle met à nu ce que M. Foucault qualifie de « champs des possibilités stratégiques[2] » offerts aux femmes par et dans la société portugaise au XIXème siècle.
Par ce biais, l’œuvre de C. de Campos pose les jalons d’un questionnement de l’identité féminine dans le Portugal fin-de-siècle, annonçant, d’ores et déjà, des voix féministes telles que celle d’Ana de Castro Osório qui proclame une décennie plus tard : “O homem português não está habituado a deparar-se no caminho da vida com as mulheres suas iguais pelas ilustrações, suas companheiras de trabalho, suas colegas na vida pública; por isso as desconhece, as despreza por vezes, as teme quasi sempre.” (1905)
[1]Nathalie Heinich, Etats de femmes, L’identité féminine dans la fiction occidentale, Gallimard, Paris, 1996.
[2]Voir dans Les mots et les choses et dans l’archéologie du savoir p. 47.